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Les 10 choses que j’ai apprises en étant automobiliste

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Embouteillage au sud de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), août 2021.

Vous le voyez ce type, assis seul dans sa voiture, englué dans le trafic à l’approche de la place de la Bastille et qui met 5 minutes à parcourir 100 mètres, doublé par les vélos ? Eh bien, c’est moi. En tout cas, c’était moi, ce jour de la fin décembre 2019, un départ en week-end alors que le train et le métro étaient en grève. Sur les boulevards parisiens, 30 voitures, comprenant chacune une ou deux personnes, soit 45 personnes au grand maximum, suffisent à former un bouchon.

Habituellement, je me déplace à pied et à vélo dans les villes, et en train ou en car pour les moyennes et longues distances. Mais deux ou trois fois par an, pour des déplacements professionnels ou des vacances, je loue ou j’emprunte une voiture, pour circuler, la plupart du temps, en-dehors des villes. Voici les 10 choses que j’ai apprises en étant automobiliste.

Paris, décembre 2019.

1/ Un ordinateur roulant. A chaque fois que je loue une voiture, je découvre les innovations technologiques dont les constructeurs sont si fiers et qui, précise un lecteur, équipent désormais la plupart des véhicules. Si on m’avait posé la question, j’aurais répondu que la Clio est un petit modèle, conçu pour la ville, sans beaucoup de reprise ni d’instruments. Mais celle que j’ai louée en juillet à Brive-la-Gaillarde était dotée d’un moteur « hybride » et d’une boîte automatique. Les phares s’allument automatiquement à l’instant où l’obscurité (nuit ou tunnel) s’installe, les essuie-glaces font de même dès qu’il tombe trois gouttes, un voyant indique la distance de sécurité avec le véhicule qui précède. La vitesse maximale du lieu précis où je me trouve apparaît sur un voyant qui se met à clignoter si je vais trop vite, une voix féminine, même lorsque le GPS est désactivé, prévient lorsque le véhicule atteint « une section à péage » ou «un chemin non goudronné», et je suis informé en permanence du nombre de kilomètres pouvant encore être parcourus compte tenu du niveau du réservoir. La voiture des années 2020 ne laisse aucune excuse à ceux qui ne respectent pas les limites de vitesse ni les normes de sécurité.

« Tout pour la voiture », publicité murale, Paris, août 2019.

2/ Prodigieux système voiture. Quand je conduis, je peux aller partout. Le système voiture est extrêmement efficace, pensé pour que chacun, muni de cet objet, puisse se rendre où il le souhaite, quand il le souhaite, sans jamais, ou presque, contribuer au financement de l’infrastructure. Les exceptions à cette règle sont rares. Certaines rues de centre-ville sont réservées aux piétons, une partie des autoroutes sont payantes, des boulevards peuvent être interdits aux voitures ponctuellement, un jour de marché, par exemple. Au fond, les seules limites au système-voiture concernent la vitesse maximale que nécessite la sécurité routière et son propre encombrement. Puisque le système est bien fait et ne souffre d’aucune concurrence, il n’est pas étonnant que la grande majorité des trajets se fasse ainsi.

Lire aussi: 42% des personnes dont le lieu de travail est situé à moins d’un kilomètre s’y rendent en voiture (janvier 2021)

Station-service, autoroute, Bourgogne, mai 2021.

3/ Le coût de l’essence. Oui, j’ai acheté de l’essence chez Total ou Leclerc. Il est difficile d’échapper aux multinationales et aux grands distributeurs quand on est automobiliste, les stations étant disposées le long des grandes artères. J’ai aussi fait le plein chez un pompiste indépendant d’un village de Corrèze, où le prix au litre était 18 centimes plus élevé que dans une station-service standard. Ce qui fait environ un euro de plus par centaine de kilomètres parcourus. On peut en faire des kilomètres avec un plein! Et contrairement à une idée reçue, le prix de l’essence n’est pas un obstacle pour la plupart des ménages.

4/ Le sketch des 90 km/h. Sur les routes départementales, la vitesse est limitée à 80 km/h. Mais certains présidents de départements ont décrété que, dans les limites du territoire dont ils ont la charge, le maximum serait porté à 90 km/h. Il en résulte une certaine confusion. Lorsqu’on quitte l’Yonne pour la Côte d’Or, ou le Lot pour le Cantal, la vitesse maximale passe de 80 à 90 km/h. Si les automobilistes de passage ignorent le plus souvent à quel endroit précis on change de département, ce n’est pas le cas des habitués, qui accélèrent soudain, dès la limite franchie.

Lire aussi : NDDL, LGV, 80 km/h: moins vite, plus proche (janvier 2018)

Au volant, je souris à mon prochain.

5/ Urbain, mais pas trop. Je suis frappé par l’infinie politesse qui caractérise les relations entre automobilistes : ces mains levées pour remercier d’avoir laissé le passage, ces « je vous en prie » silencieux, ces « passez le premier », petits gestes et grands sourires entre membres d’une même confrérie. En général, la courtoisie s’applique aussi aux piétons, à condition toutefois qu’ils restent à la place qu’on leur a assignée, en centre-ville et sur un trottoir ou sur les bandes blanches.

Mais attention, la règle implicite de la route dit aussi qu’il ne faudrait pas trop se laisser faire, passer pour le pigeon, celui qui subit, le faible. « Celui-là, il n’arrête pas de gruger, hors de question qu’il se remette dans la file qu’il a quittée pour gagner 50 mètres ».

Lire aussi: Le bon piéton dit toujours merci (mars 2021)

6/ Le pousseur et le justicier. Il m’est arrivé souvent, roulant sur les nationales comme sur les routes tortueuses de campagne, d’être confronté à un « pousseur ». Celui-ci positionne son véhicule juste derrière le mien, presque à en toucher le parechoc, et espère ainsi me faire comprendre que je ne roule pas assez vite. Que faire ? Je suis tenté, non pas d’accélérer, mais de ralentir, de prendre mon temps. Car, comme chez beaucoup d’automobilistes, sommeille en moi l’âme d’un justicier. Mais alors, le pousseur (c’est la plupart du temps un homme) s’énerve, vrombit, et, dès qu’il le peut, me double à bonne vitesse sans prendre la peine de prévenir, car « on ne va quand même pas mettre le clignotant pour un plouc qui traîne ». Se proclamer justicier, c’est dangereux.

Sur une route du Cantal, juillet 2021.

7/ Doubler un cycliste. C’est toujours un peu stressant de se retrouver derrière un vélo. Je me suis demandé pourquoi et j’ai d’abord cru que j’avais du mal à évaluer la vitesse du vélo par rapport à celle de la voiture. Pourtant, un vélo roule généralement entre 10 et 30 km/h et sa vitesse varie assez peu. C’est donc ma propre vitesse, et non celle du cycliste, que je peine à évaluer et qui peut varier rapidement. En d’autres termes, si un cycliste roule à vitesse à peu près constante, un automobiliste peut accélérer ou ralentir très soudainement, et sans prévenir (contrairement au fait de tourner ou de dépasser, qui est en principe précédé du clignotant).

Sur une route de campagne, le cycliste semble avancer nettement moins vite que moi. Je le dépasse en prenant soin de lui laisser beaucoup d’espace, autant d’espace que je laisserais à une voiture. Là où ce dépassement n’est pas possible, je reste derrière. Mais je sais, d’expérience, que la seule présence de mon véhicule est anxiogène pour la personne qui est à vélo. En outre, si je ne double pas, je m’expose à l’impatience de l’automobiliste qui me suit. Il est donc tentant de doubler quand même, pour se conformer à une autre règle implicite du système voiture : préférer un membre de la confrérie automobile à tout autre usager.

Il me vient alors cette idée saugrenue, qui a dû traverser l’esprit de pas mal d’automobilistes : au fond quand je conduis, ce serait mieux qu’il n’y ait pas du tout de cycliste sur la route… Qu’on leur fasse leurs propres voies, qu’on m’interdise de les croiser, qu’on m’oblige à rouler tout doucement…

« Ici, bientôt, un parking ». Sète (Hérault), août 2019.

8/ On peut se garer. Accéder en voiture au centre d’une ville moyenne, et a fortiori d’une bourgade, ne pose absolument aucun problème. A Cahors, Montauban, Verdun (Meuse), Arles (Bouches-du-Rhône), Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), il est très simple de trouver une place. Il suffit de laisser la voiture un peu à l’écart du centre-ville puis de marcher. Ce temps de marche, 5 ou 10 minutes, est nettement inférieur au temps que me prendrait, à pied, le parcours entre la gare et le centre-ville. Par rapport à l’usager du train, l’automobiliste bénéficie toujours de cet avantage-là. Et pourtant, dans les villes de cette taille, j’observe des voitures conduites par des personnes parfaitement valides qui arpentent le centre, perdent leur temps, gênent les piétons, occupent tout l’espace. Dans sa bulle, l’automobiliste peut facilement être convaincu que tout, la ville, les gens, les parkings, les commerces, tourne autour de lui et de lui seul.

9/ La manie du klaxon. Je me surprends à ne jamais utiliser le klaxon, ni pour ordonner aux autres automobilistes d’avancer plus vite (ils ne le peuvent pas), ni pour signaler un danger (il suffit de freiner) ni pour saluer quelqu’un (je ne reconnais plus personne au volant de ma Clio). Un constat m’étonne. Lorsqu’un ralentissement se produit dans une ville encombrée, le concert de klaxons ne tarde pas. En revanche, lorsqu’un bouchon survient sur l’autoroute, l’attente est morne, silencieuse. Dans les deux cas, klaxonner ne sert à rien. Alors pourquoi les automobilistes klaxonnent-ils en ville ?

L’origine du bruit. Paris, décembre 2019.

10/ Liberté piégeuse. Posséder une voiture procure une grande liberté, une liberté presque infinie. Je peux tout faire dans la journée, passer au marché, visiter les gorges de l’Aveyron, voir des amis, les raccompagner, et jeter un œil à ce village. Sans oublier de prendre du pain en rentrant. Cette liberté présente beaucoup d’avantages, mais finit par devenir encombrante. Qu’aurai-je retenu de cette journée ? A l’inverse, quand je ne suis pas motorisé, le rythme de mes mouvements est déterminé par les horaires des trains, le passage des bus, les distances que je parcours à pied, l’état des infrastructures cyclables. Sans voiture, j’apprécie différemment le territoire, je découvre des lieux que je ne soupçonnais pas. Voici pourquoi, si je suis content de louer une voiture qui va me permettre de faire plein de choses, je suis soulagé quand je la rends.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

 

 


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